Comment fonctionne un capteur numérique ?

Le but d’une caméra astronomique est d’imager les objets du ciel : Soleil, Lune, planètes ou des galaxies/nébuleuses très peu lumineux en raison de leur distance très élevée. Parfois ces objets lointains sont à peine plus lumineux que le ciel noir en fond, il faut donc poser longtemps pour qu’assez de photons rencontrent le capteur de notre caméra. Mais la luminosité/brillance de l’image finale n’est pas le seul facteur… elle se compare par rapport à plusieurs signaux/bruits parasites.
➤ Notion de rapport signal sur bruit
En astrophotographie le plus important est de poser longtemps… le plus possible même ! En effet plus le temps de pose total est important, plus la quantité de signal reçue va être importante. Le principe des caméras numériques est de convertir les photons (« onde / particule » de lumière) d’une étoile, nébuleuse ou galaxie, en électrons grâce à l’effet photo-électrique (dont l’explication offrira son seul prix Nobel à Albert Einstein en 1921).

Légende : Plusieurs images avec des niveaux de bruits différents - Copyright @Nicolas Wintersdorff de notre équipe
NB : Au-delà de 10 bits l’intérêt est limité et les distinctions sont faibles. En planétaire on conseille même de travailler en 8/10 bits plutôt qu’en 12 pour augmenter la cadence d’images et figer encore mieux la turbulence. Une image codée en 256 niveaux de gris (8 bits) est transférée plus rapidement que la même en 4096 (12 bits).

Légende : Echelle de gris jusqu’à 12 bits
➤ Sensibilité et rendement quantique
Le choix de votre caméra dépendra donc en partie de ce facteur : un rendement quantique élevé (en H-Alpha en particulier, à 656.6 nanomètres, zone spectrale où les nébuleuses sont les plus lumineuses).

Légende : Rendement quantique d’une caméra ZWO ASI2600MM (monochrome) en fonction de la longue d’onde – la sensibilité de l’œil humain se situe en 380 et 780nm
- FSI ou BSI ?

← Légende : Vue en coupe d’un photosite suivant la technologie FSI ou BSI
- Capteur couleur ou monochrome ?
En effet ce type de capteur ne dispose pas de microfiltres bloquant la lumière suivant la longueur d’onde. Les capteurs couleurs utilisés en astrophotographie disposent de ce qu’on appelle une matrice de Bayer, un agencement spécifique de filtres placés avant la couche photosensible du capteur.

Légende : Matrice de Bayer – Sur 4 photosites on retrouve le même agencement : 2 filtres verts / 1 filtre rouge / 1 filtre bleu
Licence Creative Commons - Auteur : Interiot
En effet nul besoin pour obtenir une image couleur… de poser comme un capteur monochrome dans chaque couleur pour restituer une image finale colorisée. En une pose unique on obtient directement une image couleur…. quand il en faut 3 avec un capteur monochrome (voir 4 si on utilise la technique LRVB – « Luminance + Rouge + Vert + Bleu ». Les temps de pose sont donc considérablement rallongés avec un capteur monochrome ; il faut de plus rajouter le temps de traitement informatique qui consiste à traiter chaque couche puis à les combiner.
Si cependant vous cherchez l’efficacité optimale, les capteurs monochromes sont les plus adaptés à l’astrophotographie. D’autant plus si la contrainte du temps d’acquisition et du traitement n’est pas un frein… et que vous disposez d’un ciel d’excellente qualité (faible pollution lumineuse et turbulences atmosphériques faibles). Ils sont aussi plus performants si vous utilisez des filtres interférentiels type H-Alpha, SII, OIII avec une bande passante très fine de 3nm, 4.5nm ou 7nm.
➤ Capacité du puits de potentiel (FWC) et saturation
Une caméra se comporte comme notre œil (et notre paupière) en captant de la lumière lorsque son obturateur (mécanique ou électronique suivant la technologie CCD/CMOS) est ouvert. Il existe donc un temps de pose minimal (la caméra ne peut aller plus vite entre l’ouverture et la fermeture de l’obturateur).
Le temps de pose maximal peut être de plusieurs minutes voir sans limite. Cependant il est rarement atteint en raison de la saturation des photosites. En effet en laissant l’obturateur ouvert les photons suivant la luminosité de l’objet (et encore plus dans le cas d’une étoile brillante) vont plus ou moins rapidement remplir le photosite… comme un puits qui déborderait.
Dans le cas des premières générations de capteurs dit CCD (pour « Charge Coupled Device » - Dispositif à transfert de charge), cette saturation créé un débordement disgracieux sur les pixels voisins. Une étoile trop brillante prenait plus de place que prévu… et pouvait déborder sur une grande partie d’une colonne de pixels (effet dit de « blooming » et « smearing »).
Légende : Vue en coupe d’un photosite d’un capteur à pixels actifs (CMOS) - Droit d'auteur : Evident ➝

- Conversion directe de la charge sans transfert
- Pas d'horloges complexes comme sur les CCD
- Production de masse à bas coût
- Faible consommation électrique (100 x moins que les CCD)
- Cadence de lecture élevée
Sur les CMOS les diverses technologies employées conduisent à des FWC différentes à surface de photosite égale. Il faut bien vérifier la FWC pour le capteur qui vous intéresse. Veillez à éviter d’atteindre cette limite : adaptez vos temps de poses unitaires pour ne pas arriver à la saturation de votre capteur.
Données électroniques d’une caméra ZWO ASI2600MC-Pro
Full Well Capacity / GAIN / Plage Dynamique (en Bits) / Bruit de lecture

Légende : La chute rapide du bruit de lecture qui survient à gain 100 est déclenchée par le boost d'amplification. Passage en mode HCG (High Conversion Gain) développé sur certains capteurs Sony
➤ Plage dynamique (dB)

➤ Bruit de lecture (Read noise e- rms)
* Plus exactement c’est la dynamique de l’amplificateur que l’on réduit avec un bruit de lecture qui varie bien moins vite

Légende : Evolution du signal et du bruit suivant le nombre d’images empilées. Le rapport signal-sur-bruit est symbolisé par l’espace entre les 2 courbes
➤ Gain
Souvent on cherchera un compromis où le gain en décibel générera un GAIN proche de 1 (e-/ADU = nombre d’électrons nécessaire pour augmenter la valeur de gris de 1). Sur certaines caméras le mode HCG (High Conversion Gain) est disponible… il provoque une chute importante du bruit de lecture malgré la hausse gain, ce qui permet de retrouver une plus grande dynamique, on travaille alors juste au-dessus de ce niveau.

Légende : Courant d’obscurité en électrons par seconde par pixel en fonction de la température sur une caméra ZWO 533MC-Pro - Source : ZWO
➤ Bruit, signal thermique et refroidissement
Chaque pixel est différent… certains sont même considérés comme « morts » inactifs quelque soit l’intensité lumineuse reçue, d’autres « chauds », systématiquement activés ou largement au-dessus de la moyenne. Il faut donc réaliser une cartographie du capteur à temps de pose fixe et à une température donnée. Cette image est appelée un dark (image sans signal reçu de l’extérieur). Il est conseillé de faire une bibliothèque à différent temps de pose et différentes températures… soit avant votre séance d’imagerie… soit le jour même. On retire ensuite ce signal parasite à notre image brute.
Images de calibration d'une caméra ZWO

Offset (temps de pose minimal de la caméra) - le capteur produit un signal même sans source lumineuse

Dark (temps de pose à la même température et durée qu'une pose unitaire) - effet AmpGlow sur le cote droit

Flat (instrument et caméra totalement éclairé pour voir les défauts sur le trajet optique - poussières/vignettage)
Comparatif avec et dans prétraitement sur la nébuleuse du Croissant NGC 6888

9 images brutes empilées - sans prétraitement

9 images empilées + prétaitement
➤ Foire aux Questions (FAQ) ?
- Si il faut poser le plus longtemps possible pourquoi ne pas faire une pose unitaire = temps de pose total ?
On peut faire un binning logiciel avec un CMOS mais ce n’est pas aussi performant, et donc pertinent que du « vrai » binning CCD.
- Les capteurs CMOS permettent ils de faire du binning ?
On peut faire un binning logiciel avec un CMOS mais ce n’est pas aussi performant, et donc pertinent que du « vrai » binning CCD.
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